Panta Rhei

  • Type de projet : Installation dans les marais d'Amiens
  • Localisation : Hortillonages d'Amiens
  • Date : 2023
  • Client: Festival des hortillonages d'Amiens

Paysage ciselé et morcelé sous l’effet des canaux, les Hortillonnages d’Amiens sont extraordinaires.
La physionomie du site, plat, ainsi que la faible agitation de l’eau, favorisent le dépôt des particules fines en suspension dans l’eau, qui s’accumulent et constituent dans le fond des rieux, un matériau bien connu : la vase. Résultat de siècles d’accumulation et de sédimentation de micro organismes d’origine végétale et animale, cette vase nous fascine! Fruit de l’érosion, elle est intarissable, au point qu’elle présente un danger pour les Hortillonnages, car elle réduit le niveau de l’eau, altère son débit, et met en péril l’existence du site. Notre projet est très simple : Construire avec !

Panta Rhei est une sculpture monumentale constituée de vase. Dressées sur une plateforme de bois, pas moins de 30m3 extraites de fange sont modelés à la main. A partir de ce matériau insaisissable, collant et mou, le duo Barreau Charbonnet signe une forme géométrique élémentaire : un tronc de cône. Grâce à un protocole empirique, la vase est chargée, hissée, et tassée. L’ensemble constitue une rupture entre l’esthétique de l’ouvrage de soutènement en bois brut et la sophistication du lissage du cône argileux.

Figure récurrente dans l’architecture, cette forme évoque à la fois celle des fondations, piliers ou autres contreforts, qui élargis en partie basse, soutiennent et stabilisent les ouvrages, mais aussi se réfère à une expérience bien connue dans la construction des ouvrages en béton : l’essai d’affaissement au cône d’Abrams. Ici, construire avec du sédiment convoque l’idée d’un recommencement, que toute chose et toute matière s’érode avec le temps, se dégrade, s’affaisse, et finit par se transformer en particules sédimentées. Tout s’écoule et ne reste jamais* (Panta Rhei* – Héraclite)

Réalisée in situ avec ce qui est sous nos pieds et à portée de main, l’œuvre fabrique une utopie architecturale, celle d’une construction primitive précaire, d’un refuge fragile, qui témoignent des enjeux de la construction au regard de l’exploitation incontrôlée des ressources de la Terre.

Lové dans le paysage des Hortillonages, l’installation brouille les pistes. A la fois vestige d’architecture d’une tour de Babel inachevée, refuge vernaculaire, amer de navigation maritime, Panta Rhei est tout à la fois.

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